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Cancion de las Venusinas

(Les propos recueuillis ci-dessous sont tirés de "Los tango de Piazzolla y Ferrer, 1967-1971 , Quereme asi piantao, Ana Sebastian, Ediciones Continente")

Contexte

Dans son séjour à Paris, Ferrer fait la connaissance de plusieurs artistes latino-américains dont Antonio Segui Peintre Argentin (toujours en vie). Il est interpellé par son style.

Après ses présentations dans le quartier de San Telmo, Horacio aime parcourir les 6 km qui le séparent de chez lui à pied pour profiter de ce que peuvent lui offrir la terre et le ciel. A cette époque, les américains viennent de poser les pieds sur la lune et ouvrent ainsi l’imagination sur d’autres univers.
Horacio Ferrer assiste à cette évolution avec un regard amusé. Il observe tous ces gens qui passent à côté des meilleurs éléments de leur vie en prétextant une commode incrédulité. Ainsi, il crée ces femmes délicieuses venues d’un autre monde rien que pour aimer et qui doivent repartir sur leur planète car personne n’a eu le courage de les voir.

Version Originale

Un día las venusinas bajaron en Buenos Aires
con unas sombrillas claras.
De su planeta de hembras llegaban por los espacios,
hermosas, pibas y extrañas.
Las vieron llegar, tan sólo, los que andan de madrugada.
Y nadie se las creyó,
dijeron: "Son de mentira, ¡palomas de propaganda!"

Vivieron, en nuestras calles, cien días con sus cien noches.
Los ojos rojos tenían
y polen en los corpiños y soles en las enaguas,
¡qué lindas las venusinas!
Traían dos corazones invictos en las entrañas.
Ningún varón las amó.
Decían: "Son espejismo, fantasma, ¡puro fantasma!"

Las vieron ir por Retiro, por Once y plaza Lavalle,
absortas y enamoradas.
Tiraban a los muchachos sus besos del otro mundo
y nadie se los besaba.
Se sabe, porque se sabe, que un martes muy de mañana,
solteras de gravedad,
se fueron todas al río, a echar su ternura al agua.

Y un día las venusinas volvieron camino a Venus
con unas sombrillas claras.
Algunas se demoraron y anclaron en Buenos Aires
perdidas de su bandada.
Son esas mujeres hondas, calladas, tristes y raras
que habitan esta ciudad,
y fueron las que inventaron los tangos y la nostalgia.

Traduction

Un jour las Venusinas descendirent sur Buenos Aires avec des parasols clairs.
De leur planète de femelles, elles arrivent de l’espace, belles, jeunes et étranges.
Seuls ceux qui veillent à l’aube les ont vues arriver.
Mais personne n’y a cru ! Ils se dirent « Elles sont fausses, ce sont des colombes pour la réclame !»
Elle vécurent dans nos rues, 100 jours avec leur 100 nuits.
Elles avaient les yeux rouges, du pollen dans les corsages et des soleils dans les jupons.
Comme elle étaient jolies, les Venusinas !
Elles portaient deux cœurs invaincus dans leurs entrailles.
Aucun homme ne les a aimées.
Ils disaient : « ce sont des mirages ! des fantômes ! »

On les a vues passer par Retiro, par Once et Plata Lavalle,
absorbées et amoureuses.
Elles lançaient aux jeunes hommes des baisers d’un autre monde et personne ne leur donnait la réciproque.
On sait, qu’un mardi matin, gravement célibataires, elles sont parties à la rivière pour noyer leur tendresse dans l’eau.
Un jour les Venusisas retournèrent sur le chemin de Venus avec leur parasol clairs.
Certaines, restèrent encrées à Buenos Aires oubliées par leurs consoeurs.
Ce sont ces femmes profondes, silencieuses et bizarres qui habitent cette ville.
Et ce sont elle qui inventèrent les tangos et la nostalgie.